À faire lire aux jeunes filles avant qu’elles prennent leur envol.
Résumé
Au milieu des années quatre vingt, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte.
Mon avis
J’ai été happée par ce récit qui décrit sans affect ni pathos comment la jeune V. est tombée entre les griffes d’un prédateur sexuel. Son style chirurgical décortique la mécanique qui conduit une jeune fille de quatorze ans dans le lit d’homme de cinquante ans. V. nous expose froidement la fragilité de la proie, la technique bien rodée du prédateur, la complaisance des adultes qui préfèrent regarder ailleurs. Comme elle le dit justement, elle était consentante. À aucun moment, G. ne l’a agressée physiquement. La question qu’elle soulève est plus subtile. À quel moment est-on en âge de consentir ? À quel moment est-on suffisamment clair avec soi même pour décider ou refuser une relation sexuelle ? La frontière avec la manipulation est aisément franchie. G. avait repéré une fillette isolée, sans adulte référent solide auprès d’elle pour faire barrière.
Ce qui m’a profondément touchée, c’est le grand désarroi qui s’empare de V. une fois qu’elle comprend que G. voit d’autres filles. Il lui a vendu une grande histoire d’amour. Elle y a cru, se retrouve désemparée face aux manipulations de son bourreau. La souffrance, le travail sur soi pour se reconstruire se fracassent sur un harcèlement moral très subtil recouvert de la couche de respectabilité du milieu germanopratin.
V. règle aussi ses comptes avec ce milieu parisien, libertaire, qui se voit comme progressiste, ouvert aux idées nouvelles, aveugle, qui préfère dénigrer que faire son autocritique.
Éditeur : Grasset
Cléo Ballatore écrivaine 